Souvenirs inondés, 19 mai
Souvenirs inondés…
Mon enfant, te rappelles-tu de ce cheval à bascule ?
Il a subi les forces du courant, affaibli de son vieux bois.
Il s’est démembré, là, sous les décombres. Me trouves-tu ridicule
De pleurer sur un souvenir qui me reliait à toi ?
Je ne pourrais plus te montrer l’album de ton enfance,
Car toutes les photos dérivent sur un quelconque courant,
Quelque part, je ne sais où, ici et là, en errance,
Incapables de se réfugier sur un éventuel estran.
Cette eau en a effacé les rires et la brillance de leurs couleurs ;
Elle a noyé tout ce qui fut souvenir, tout ce qui fut joie.
Ce ne sont pas mes sourires qui veilleront sur elles, ni mes pleurs,
Quand la vieillesse réveillera mes « jadis » et les »autrefois ».
Et ces livres dans lesquels tes rêves essayaient de devenir réels !
Tes enfants n’en tourneront plus les pages.
Je sais, tu leur en achèteras d’autres, ou même des virtuels,
Mais leur toucher en aura perdu l’hérédité de tout message.
Les murs de la maison ont retenu les meubles,
Mais pourront-ils encore nous épargner d’autres frondes ?
Ils porteront toujours sur eux les traces ignobles
De cette boue gluante et de son odeur nauséabonde.
Il faudra attendre que le temps guérisse ces demeures profanées,
Les tapisse d’autres lumières, plus modernes peut-être !
Mais je ne verrais plus la toise de tes années,
Celle qui t’émerveillait à chacun de tes centimètres.
Et, dans le jardin, le parfum des roses de tes aïeux
Ne volera plus sous cette tonnelle encerclée de ses lierres.
La terre ravinée a suivi les courants furieux.
On en fera un autre, oui, mais sans les racines d’hier !
L’eau nous a volé nos souvenirs et les a engloutis.
Elle a même noyé les fondations de nos vies.
Mais comment revivre dans ces débris
Quand la peur domine nos pensées asservies ?
Fin
Poème écrit le 19.05.2013